Agostinho Antonio Neto, hommage à un écrivain engagé

Agostinho Antonio Neto, premier président de la République populaire d’Angola, est mort en septembre 1979 à l’âge relativement jeune de 57 ans (1922-1979). Il n’a pas été abattu par la balle d’un assassin, mais par cet implacable ennemi de l’homme qu’est le cancer du sang. Sa mort soudaine et surprenante a cruellement privé l’humanité progressiste de l’un de ses porte-parole les plus éloquents, un homme d’action dont la vie tragiquement courte était en soi une incarnation des luttes de son peuple pour sa liberté, d’abord contre le colonialisme portugais et, au moment de sa disparition, contre les agresseurs sud-africains.

Neto était un homme aux multiples talents. Il n’était pas seulement une étoile politique brillante s’élevant fièrement dans le ciel de l’Afrique, il était aussi médecin de formation et, plus important encore pour notre propos ici, un poète de renommée internationale et l’un des écrivains africains les plus engagés. Il n’y a pas d’anthologie de la poésie lusophone en Afrique aujourd’hui dans laquelle la présence de Neto ne soit pas prédominante.

Sa poésie dépeint les luttes acharnées du peuple angolais sous la domination coloniale portugaise. La majorité des poèmes de son seul recueil de poèmes disponible en anglais, Sacred Hope (Dar-Es Salaam : Tanzania Publishing House, 1974), ont été écrits dans une ou autre prison portugaise au cours des années 50 et 60.

Ses premiers poèmes, parus en 1945, étaient une dénonciation cinglante de la pratique coloniale du travail forcé. “Départ pour le travail forcé”, par exemple, décrit l’angoisse d’hommes partant pour le travail forcé sur l’île de Sao Tomé-et-Principe, ainsi que l’anxiété et l’impuissance des êtres chers qu’ils laissaient derrière eux.

Le thème dominant des premiers poèmes de Neto est la longue obscurité qui apporte le désespoir comme une brume sur la terre. Alors que les jeunes hommes sont expédiés vers des camps de travail et de concentration dans les îles de Sao Tomé ou du Cap-Vert, le poète ne voit pour eux qu’un avenir sombre : “Il n’y a pas de lumière, pas d’étoiles dans l’obscurité, tout est ombre sur la terre”.

Les rues non éclairées et les maisons sans électricité, ni eau courante, des bidonvilles situés à l’extérieur de la capitale Luanda, que le poète appelle “quartiers pauvres/de pauvres gens”, regorgent de misère alcoolique, de peur, de désespoir, d’ignorance et de violence insensée.

Comme l’obscurité doit inévitablement céder la place à la lumière du jour et au soleil, ses derniers poèmes contiennent des messages d’espoir. Dans “Adieu à l’heure de la séparation”, par exemple, le poète voit un matin plus radieux se lever magnifiquement sur la terre. “Demain, nous chanterons des hymnes à la liberté, lorsque nous commémorerons le jour de l’abolition de l’esclavage”, chante-t-il avec exubérance.

À mesure que la conscience de soi de son peuple grandit et s’affermit et qu’il commence à prendre son destin en main, au lieu de se promener comme des fantômes silencieux, l’espoir détrône progressivement le désespoir comme thème dominant de sa poésie. Dans “A voix égales”, le poète parle sur un ton joyeux des hommes et des femmes qui sortent des “cimetières de l’ignorance” pour prendre en main leur destin.

Pour devenir maître de lui-même et de sa terre, son peuple a besoin de la solidarité internationale, car son destin est inextricablement lié à celui de l’humanité souffrante en général. C’est la conclusion du poème “Reconquête” dans lequel le poète dit à son peuple qu’il ne peut pas faire cavalier seul. Leur long chemin vers la liberté ne peut aboutir que s’ils unissent leurs forces à celles de l’humanité progressiste du monde entier : “Partons avec toute l’humanité/à la conquête de notre monde et de notre paix”.

Pour Neto, l’avenir idéal est celui qui est dépourvu de cruauté sous toutes ses formes, celui où la fraternité règne en maître. Dans “A voix égales”, il dit : “Voici nos mains/ouvertes à la fraternité du monde/pour l’avenir du monde”.

 L’une des caractéristiques frappantes de la poésie de Neto est son style plutôt direct et sans émotion, dépourvu d’expressions fleuries. C’est comme si l’urgence de son message ne pouvait s’accommoder d’un langage fleuri, de peur que cela n’assombrit la brutalité du colonialisme portugais en Angola.

L’influence de sa profession médicale sur son travail n’est pas non plus évidente. On cherche en vain des mots ou des expressions médicales dans sa poésie, bien que l’on soit toujours conscient que le poète plonge sa plume, comme un scalpel, dans l’abcès du colonialisme qui afflige son peuple. Notre monde est certainement bien meilleur parce qu’Agostino Antonio Neto était là et a laissé des traces poétiques d’espoir comme ses empreintes dans les sables légendaires du temps.

 

 

 

 

 

 

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