A l’annonce du décès du Cardinal Christian Tumi, Archevêque émérite de Douala au Cameroun, certains journalistes m’ont appelé pour connaître ma réaction. Bien que de nombreux sujets aient été abordés, une question, en particulier, a semblé les intéresser presque tous : combien valait le Cardinal Tumi en terme de biens matériels personnels ? Ils voulaient savoir ce qu’il avait laissé derrière lui en termes de propriétés foncières, de maisons, de véhicules et d’actions sur le marché.
Ma réponse était simple : même si je ne pouvais pas prétendre savoir tout ce qui concernait le Cardinal Tumi, un homme avec qui j’ai collaboré pendant plusieurs décennies, il y avait cependant une chose dont j’étais sûr, et que je pouvais chanter à haute voix, même du haut d’un toit, sans craindre d’avoir tort. C’est que le Cardinal Tumi n’a rien laissé derrière lui en termes de biens matériels personnels que les journalistes étaient si impatients que je confirme. Je les ai mis au défi de faire leur travail d’investigation pour voir par eux-mêmes s’il possédait des propriétés foncières, des maisons, des voitures, des actions ou des taxis circulant sur les routes de Douala et Bamenda, comme l’un d’entre eux l’a affirmé haut et fort. Je leur ai dit que si l’actuel occupant du siège métropolitain de Douala, Monseigneur Samuel Kleda, pouvait leur donner accès à la maison du Cardinal, ils seraient choqués par l’austérité spartiate de son intérieur, en particulier de sa chambre à coucher où il a rendu son dernier souffle.
L’un des journalistes a spécifiquement fait référence au bâtiment du PMUC adjacent à la Cathédrale Saints Pierre et Paul, affirmant haut et fort qu’il était prouvé depuis longtemps que le Cardinal Tumi était propriétaire de ce bâtiment. Je lui ai dit qu’il était libre de contacter les autorités diocésaines pour savoir qui est le véritable propriétaire de cette structure. Pour autant que je sache, lui ai-je dit, le terrain sur lequel se trouve le bâtiment appartient à l’Archidiocèse de Douala, et non au Cardinal Tumi, et que tous les accords qu’il avait conclus avec les propriétaires de ce bâtiment l’avaient été au nom de l’Archidiocèse de Douala.
Quelques jours plus tard, l’Archevêque de Bamenda, Monseigneur Andrew Nkea, a présidé l’une des messes funéraires à la Cathédrale Saints Pierre et Paul et, dans son homélie, a déclaré que le Cardinal Tumi était parti en ne laissant aucun bien matériel derrière lui. “Si vous lui avez donné quelque chose de cher,” a-t-il dit, “ne soyez pas surpris de lui rendre visite le lendemain et de voir un pauvre homme, ou une pauvre femme, sortir de sa maison avec cet objet à la main.”
Lors de la messe des funérailles le lendemain, le Nonce Apostolique au Cameroun et en Guinée Equatoriale, Monseigneur Julio Murat, a prononcé l’homélie. Il a notamment déclaré que le Cardinal Tumi n’avait rien laissé derrière lui sur le plan matériel : ni maisons, ni voitures, ni propriétés foncières. Voilà deux Archevêques qui ont dit du Cardinal que le seul riche héritage qu’il laissait derrière lui était dans le domaine spirituel. Je me suis senti justifié.
Le Cardinal Tumi faisait partie de la classe des prêtres de la Province Ecclésiastique de Bamenda formés, pour la plupart, au Bigard Memorial Seminary d’Enugu, au Nigeria. Beaucoup d’entre eux avaient depuis longtemps devancé le Cardinal pour rejoindre la Maison du Père au ciel. Quelques noms me viennent à l’esprit : L’Abbé Aloysius Wankuy, le premier prêtre camerounais à l’ouest du Mungo, Monseigneur Lucas Atang, Monseigneur James Toba (récemment décédé), les Abbés Ivo Ndichia, Henry Mesue, l’Archevêque Paul Mbiybe Verdzekov, l’Evêque Pius Suh Awa. Certains sont encore avec nous : Monseigneur Cornelius Fontem Esua, Archevêque retraité de Bamenda, Monseigneur Immanuel Bushu, Evêque retraité de Buea, Mgr Francis Lysinge, Evêque retraité de Mamfe, et l’Abbé Clemens Ndze. Ce sont les noms qui viennent immédiatement à l’esprit. Une chose qui caractérisait tous ces serviteurs de Dieu, presque sans exception, était le sens de l’austérité hérité de leur formation au sacerdoce. Le détachement des choses matérielles du monde était inscrit dans leur ADN, qu’il s’agisse de ceux qui sont vivants ou de ceux qui nous ont quittés.
Que le Cardinal Christian Tumi et ses collègues prêtres, évêques et archevêques de la Province Ecclésiastique de Bamenda, qui nous ont précédés en portant un signe de foi, trouvent un repos bien mérité dans le royaume du Père. Amen. Alléluia !
Martin Jumbam, 04 mai 2021